Dieu et nous seuls pouvons

Je suis incapable de me souvenir comment je suis tombée sur ce bouquin. J’étais persuadée de l’avoir vu cité sur le blog de Valérie dans une discussion sur les « Piliers de la Terre » (que j’ai détesté – le roman hein pas Valérie!). Et puis en allant vérifier, je me suis rendue compte que non.
Est-ce grâce à mon addiction à Télé-Matin et à sa rubrique des libraires qui partagent leurs découvertes? Un article dans la presse? Sur les blog? Impossible à dire.

J’ai juste un vague souvenir de l’enthousiasme de la personne qui en a parlé et c’est justement ça qui m’a poussée à acheter ce livre et à l’ouvrir. Mon temps de transports quotidien s’étant réduit, et ma passion pour le tricot s’étant faite de plus en plus dévorante j’ai tendance à beaucoup moins lire qu’avant (ah il est loin le temps ou je gérais Bookmates, mon site de don de livres, snif!). Mes coups de coeur sont donc hélas plus rares.

Mais, le grand cosmos a fait que les planètes se sont alignées pour faire en sorte que je me plonge avec délice dans la lecture de « Dieu et nous seuls pouvons » de Michel Folco.

Je fais très rarement des articles de critiques ou de recommandations (que ce soit pour la musique, les lectures ou les films) ce pour plusieurs raisons.

La première c’est que j’ai des goûts peu élitistes et que parler de ce que tout le monde adore ou déteste déjà a pour moi peu de sens, surtout si c’est pour aller dans le sens du vent.

La seconde c’est que souvent je suis incapable de dire pourquoi j’aime ou je déteste tel truc à part « j’ai trouvé ça chiant » ou « c’est totalement génial » (ce qui fait des articles assez courts et d’un intéret limité vous en conviendrez).

Mais cette fois-ci, j’ai eu envie de faire un effort et de vous parler de ce livre pour partager cet énorme coup de coeur.

C’est un roman historique qui raconte l’histoire de la famille Pibrac qui exerçait un métier bien particulier: celui de bourreau. Dit comme ça, autant être honnête, ça ne fait pas franchement envie. En plus la couverture est moche et le quatrième de couv vraiment pas du genre qui met l’eau à la bouche.

Et pourtant, j’ai ADORÉ.

Avant que j’explique pourquoi, il faut quand même que je précise que les romans historiques c’est vraiment mon dada. J’adore ça. Les bons les mauvais, je suis très bon public en la matière (ce qui ne m’empêche pas de conserver un certain sens critique) et fan d’Alexandre Dumas (le plus décrié des auteurs de romans historiques) dont je collectionne les éditions rares et/ou anciennes.

Pourquoi j’aime les romans historiques? D’abord j’aime bien l’Histoire (même si ce n’était pas ma matière préférée à l’école, il suffit qu’elle soit bien racontée pour que je perde toute notion du temps et de la réalité). J’aime bien le coté « reconstitution d’une époque disparue ». Et puis souvent les romans historiques sont épiques et racontent des moments importants ou mettent l’emphase sur des personnages un peu exubérants ou originaux. Le tout s’il est lié avec style donne souvent de très bons romans d’aventures dont le coté historique est rafraichissant tout autant qu’instructif et surtout dépaysant.

Ce mélange me plait, mais c’est un équilibre délicat parfois difficile à obtenir. Il suffit qu’il y ait trop d’un des ingrédients pour que la sauce soit indigeste. Trop d’aventures et ça devient peu crédible, trop de détails historiques et ça devient un cours chiant comme savaient si bien les faire nos profs, trop d’amourette et ça devient gnangan, trop de personnages et ça devient brouillon, trop d’imprécisions historiques et ça n’est plus un roman historique.

Bref, c’est peut être l’un des style les plus casse-gueule car il nécessite d’être à la fois excellent narrateur et un peu historien ou au moins très bien documenté, mais surtout de savoir lier les deux (narration et histoire). Combien de fois je suis tombée sur des romans historiques dont les détails et descriptions ressemblent plus à des leçons théoriques et tombent comme un cheveu sur la soupe au milieu de l’intrigue (genre typiquement TOUS les livres de Christian Jacq). Le roman historique réussi est pour moi celui qui fait primer l’atmosphère de l’époque et réussi à la retranscrire d’une façon qui semble naturelle sans qu’il y ait besoin d’un glossaire ou de 340 notes à la fin du livre.

Et même si je suis bon public en la matière parce que j’en lis beaucoup par goût, j’ai rarement eu un enthousiasme comme celui que j’ai éprouvé en lisant « Dieu et nous seuls pouvons« .

Pourquoi?

D’abord parce que tous les ingrédiens que je viens de citer sont présents et dosés avec virtuosité.

Ensuite parce que le parti pris est original: retracer l’histoire d’une famille de bourreaux, depuis le moyen âge jusqu’à la première guerre mondiale, c’était pour moi du jamais vu. Même si ce sont souvent des personnages importants (parce qu’ils représentent la justice, la main du roi, de l’état, ou un moment clé dans l’histoire qui est racontée), jamais je n’avais vu de roman historique qui leur était entièrement consacré. Souvent les héros de romans historiques sont des personnages connus, des grands hommes, des aventuriers ou des « gentils » . Alors que là c’est justement tout le contraire. Et j’ai trouvé intéressant d’appréhender ces époques sous cet angle là.

Il arrive parfois que les bourreaux soient mis en avant dans les romans, (le bourreau Sanson dans la série des Nicolas Le Floch (qui a réellement existé et qui est cité aussi dans ce livre), ou encore le bourreau de Bethune dans les trois mousquetaires), mais jamais ils n’en sont le héros.

Le style est parfait, vif, direct, sans descriptions inutiles (l’un des travers les plus pénibles des romans historiques), et contrairement aux habitudes en la matière, ce roman est plutôt court. Le niveau de langue est parfaitement choisi en fonction des personnages et de l’époque qu’il dépeint (même si la langue elle n’est pas d’époque). Plein de gouaille de patois et de vieux français sur la période moyenâgeuse, plus contemporain sur la fin du roman, il colle à ce qui se passe et ce qui se raconte (combien de fois j’ai lu des bandits de grands chemin s’exprimer comme des marquis ou l’inverse! Évidemment j’exagère un peu, mais c’est un détail qui plus d’une fois m’a exaspérée).

La profession de bourreau, ses technicités, sa cruauté, sont parfaitement décrits, mais sans exagération et surtout amenés de façon naturelle dans le récit.

Récit qui a du panache, de l’humour, bref, on se prend d’affection pour cette famille à l’histoire forte et les fortes têtes qui la composent.

Ce roman m’a fait l’effet d’une bulle d’air comparé aux romans historiques que je lis d’habitude. On a rapidement l’impression d’avoir « tout lu » dans ce genre, mais là j’ai vraiment fait un saut dans l’inconnu.

Généralement pour trouver ce type de sensation de nouveauté je me dirige vers les ouvrages traitant de civilisations étrangères (souvent d’ailleurs en fonction des pays où je vais).

D’ailleurs, si vous avez des bons romans historiques japonais, (autres et surtout plus trépidants que la « Pierre et le Sabre« ), je prends!

En attendant, je vous recommande chaudement « Dieu et nous seuls pouvons » de Michel Folco. De mon côté, je vais m’empresser d’acheter et de lire ses autres ouvrages.

Pour la petite histoire, le titre du livre est en fait la devise des Pibrac, et fait bien entendu référence au fait qu’avec Dieu, ils sont les seuls à avoir le droit d’ôter la vie.

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7 Commentaires to “Dieu et nous seuls pouvons”

  1. Lousia :

    Il ne te reste plus qu’à lire « Un loup est un Loup », du même auteur. D’ailleurs il me semble que c’est une trilogie, et tu retrouvera les fameux Pibrac…Un roman dur et même parfois glauque, simple dans la forme, et du coup relativement percutant. Même aujourd’hui, je n’arrive pas à dire si j’ai aimé ou si j’ai détesté… Un peu des deux, certainement !

  2. LuckySlug :

    @Lousia: oui j’en ai bien l’intention. Effectivement c’est une trilogie et ce premier tome m’a vraiment plu donc je vais poursuivre cette belle découverte.

  3. Lucie :

    Je suis entrain de lire « Fortune de France » de Robert Merle, activement conseillé par le garçon qui a fait de longues études d’histoire… Mais je crois que je vais mettre le Folco sur ma to-read-list!(Et j’envie ma mère qui arrive à lire et tricoter en même temps!)

  4. LuckySlug :

    @Lucie: ah « Fortune de france » j’ai lu le premier tome et j’ai beaucoup aimé. Faudrait que je lise la suite tiens. Je ne sais même pas pourquoi j’ai pas continué!

  5. valerie :

    Un livre de plus sur ma liste 🙂

  6. Lousia :

    Si je puis me permettre, je rajoute un +1 à Fortune de France.Plus on avance dans les livres et plus ça devient intéressant.Je les ai relu plusieurs fois et rétrospectivement, je trouve les 2 permiers plus longs et plus lents. Alors si tu as aimé le premier volume, tu aimera forcément les autres !

  7. saramdam :

    fan egalement de Floco, j’ai adoré « Dieu et nous seul pouvons », ainsi qu' »Un loup est un loup »… et je suis contente de voir que je ne suis pas la seule! j’ai tj eu l’impression que personne n’avait lu ce livre, que c’etait un ovni! chouette chouette! bonnes lectures!

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