Question du soir #1

Hier soir, une question débile m’a traversé l’esprit: est-ce qu’on laissera nos enfants lire nos élucubrations sur Twitter? Je ne me souviens plus quelle discussion, ni quel cheminement de pensées m’ont amenée à me poser cette question mais je la trouve intéressante. Parce qu’elle en dit beaucoup sur nous, l’importance que nous donnons à Twitter et surtout aux conséquences que ce service peut avoir (mais c’est valable pour toute forme de réseau social en ligne).

N’ayant pas d’avis tranché, j’ai voulu par curiosité connaître l’opinion d’autres Twitterriennes et Twitterriens et j’ai lancé la question du soir suivante:

J’ai dit « enfants » j’aurais aussi bien pu dire parents, patron, etc et je le ferai sûrement d’ailleurs par la suite en posant d’autres « questions du soir ».

Je précise également que sur twitter je follow essentiellement des proches, des amis, des potes, des gens que je connais un peu, d’autres que je ne connais pas IRL mais avec qui je discute beaucoup sur des réseaux, forums, blogs, et que globalement tout ce ptit monde se sert surtout de twitter pour raconter un peu sa vie ou ses états d’âmes. (Je ne follow quasiement pas de comptes pros).

Les réponses m’ont surprise, je l’avoue. Je pensais susciter un débat, des interrogations et je n’ai eu quasiment que des réponses catégoriques. Elles sont dans leur grande majorité négatives chez les gens n’ayant pas d’enfants et plus nuancées chez ceux qui en ont déjà (qu’ils soient grands ou petits).

Autant le dire tout de suite, de mon côté, je n’ai pas de réponse tranchée à cette question. A priori j’aurai tendance à dire que oui, et puis je ne peux m’empêcher de penser que d’ici à ce que cette éventualité devienne réalité (ce qui me laisse tranquille pour un bon bout de temps), nous serons tous probablement passés à autre chose, et ce quelque chose sera sans doute plus intrusif et exhibitionniste encore que twitter (imbéciles que nous sommes, pourquoi cette tendance s’inverserait?).

J’ai la sensation (mais peut être je me trompe) que ma question a surpris beaucoup de monde, c’est à dire que nombreux sont ceux qui n’y avaient pas vraiment réfléchi. L’actualité aidant, on pense aux conséquences que cela peut avoir sur notre emploi, moins à ce que cela peut impliquer vis à vis de cette partie de leur entourage qui ne nous suit pas (encore) online.

Pour beaucoup Twitter, et tous les services qui permettent d’étaler ses états d’âmes dans l’instant sont  des outils un peu futiles, qui portent peu à conséquences, et que l’on n’appréhende que dans leur immédiateté comme une bouffée d’air, pour les oublier bien rapidement (un peu comme une messagerie instantanée).

Le premier réflexe, quand on y réfléchit justement, et qu’on veut se préserver, c’est d’interdire l’accès à ce que l’on raconte. D’où la vague de réponses négatives que j’ai reçues. C’est possible soit en utilisant un pseudo et donc en n’étant pas reconnu, soit en ayant compte en accès restreint. Mais tout porte à croire que cette recherche de maîtrise de l’accès à nos élucubrations est au fond assez vaine (un retweet et votre confidentialité ne tient pas longtemps, un mauvais réglage de paramètres de confidentialité et ce que vous dites sur Facebook est accessible à bien plus de gens que vous ne le croyez).

Et cette question du soir en appelle d’autres… Pour ceux qui sont en compte public, comment interdire à vos enfants de vous suivre? Faut-il passer en compte privé? Cela a-t-il un sens à partir du moment où ils ont découvert votre existence numérique? Quid de nos blogs, et profils divers sur tous les services que nous utilisons?

Le fait d’avoir découvert Twitter et d’une façon plus générale les réseaux sociaux en étant déjà parent change-t-il les choses et surtout la façon dont on s’en sert? Est-ce que cela donne une « responsabilité intuitive » qui incite à se maitriser ou à être plus vigilant vis à vis de son identité numérique? Peut être? (j’insiste sur le « peut-être ? », je ne fais pas partie de ces gens qui pensent qu’être parent fait accéder à une sorte de vérité absolue sur le grand tout cosmique que les autres ne peuvent pas comprendre hein).
Je ne peux cependant m’empêcher de remarquer que ceux qui sont déjà parents sont au final les plus modérés, et en allant lire la timeline de ceux qui sont parent et m’ont répondu, je dois bien reconnaître qu’ils sont ceux qui twittent le moins de choses personnelles ou « inavouables » ou non conformes à leur statut de parents voire d’adultes.

Comme je le disais, j’ai posé ici la question sous l’angle de la famille proche, parce que c’est celui qui a éveillé ma curiosité. Mais aussi parce que c’est souvent dans ce domaine que les réseaux sociaux ou mon identité numérique m’ont posé le plus de problèmes (j’ai récemment fermé mon compte facebook à cause de ça).

J’aurais pu la poser aussi sous l’angle professionnel:  Faut-il dire à son entourage pro qu’on a une « activité numérique » (blog, twitter, facebook?)

Mais cela relève d’une autre « Question du soir » que je poserai sans doute un jour prochain, à moins que d’autres thèmes ne me viennent à l’esprit.

En tout cas si vous avez un avis sur la question posée ici, ou une expérience à partager, n’hésitez pas à laisser un  commentaire.

6 Commentaires to “Question du soir #1”

  1. Claire :

    En vrac et certainement mal dit parce qu’il fait bien tard et que je commence à être bien claquée, je dirais que je vois plusieurs choses :- les réponses catégoriques : 140 caractères, c’est court pour argumenter et affiner :)- un élément qui fait tilt : on se demande quel va être l’impact sur notre emploi, moins sur nos relations familiales. Pourtant j’observe que c’est sur ce terrain – la famille, j’ai dû aussi essuyer mon lot de salves – que les bagarres sont les plus âpres, pour pas changer.- un questionnement : est-ce la parentalité qui nous met du plomb dans la cervelle et nous incite à la prudence sur ce qu’on transmet ? Mon avis c’est que c’est le contraire, mais ça n’engage que moi (on est prêt à – et près de – devenir parent quand on s’aperçoit qu’on a quelque chose à transmettre)- un certain émerveillement devant ces technologies qu’on disait nouvelles il y a peu, qui ne le sont plus trop mais qui semblent encore magiques. On n’arrête pas le progrès, on n’y peut rien, ça va pas aller en s’arrangeant … Or la vie numérique, c’est comme la vie tout court : elle est ce que nous en faisons et chacun est libre de poser ses barrières où il l’entend. Qu’un outil soit potentiellement dangereux, oui, mais qu’il le devienne réellement est de la responsabilité de celui qui l’utilise. À l’aide d’un couteau on peut faire de la bonne cuisine ou commettre un meurtre horrible … camarade, choisis ton camp :)- accompagnant l’émerveillement, une certaine naïveté chez certains. Si la mémoire humaine n’est pas taillée pour retenir tout ce qui lui passe au travers, croyez bien que la mémoire numérique, elle, est soigneusement alimentée, étendue en conséquence, décortiquée, archivée. Et c’est bien ça la grande question du moment.Pour situer à peu près la nana qui raconte tout ça et mettre en perspective : j’ai 3 enfants dont 1 ado et 1 autiste, ça fait une petite quinzaine d’années que je traîne mes guêtres sur internet (au sens large, c’est-à-dire pas que sur le web) que j’ai donc vu évoluer, je suis informaticienne spécialité « mains dans le moteur » (à l’époque, le métier que j’ai appris s’appelait analyste-programmeur) et je continue à apprendre par moi-même parce que j’aime ça.

  2. LuckySlug :

    @Claire: D’abord un grand merci pour ta réponse. Argumentée et tout, bref c’est super d’avoir aussi des points de vue en plus de 140 caractères.

    Je vois que je ne suis pas la seule qui a eu des soucis à ce niveau avec la famille (et ça me rassure un peu).
    Je suis d’accord avec toi quand tu dis que la vie numérique c’est ce que nous en faisons (comme dans la vie tout court) mais je pense que le coté « magique » des nouvelles technos et/ou instantané voire futile en apparence de certaines nous le fait bien souvent oublier (moi la première).
    Tu penses que les parents sont moins prudents? tiens c’est étonnant!

    J’aime bien la phrase où tu dis « on est prêt à – et près de – devenir parent quand on s’aperçoit qu’on a quelque chose à transmettre »

  3. Claire :

    Je vais essayer de faire plus court cette fois :)J’ai dû mal m’exprimer, je ne pense pas que les parents soient moins prudents. Je cherche ce qui a pu porter à confusion, peut-être est-ce mon point de vue inverse ?Les parents, c’est comme le reste de l’humanité : il y a parmi eux une certaine proportion d’imbéciles, de malfaisants et d’irresponsables. Je ne sais pas si cette proportion est moindre que par rapport à la population globale. Je suppose, mais je n’en suis vraiment pas sûre, que devenir adulte c’est prendre conscience d’une certaine responsabilité par rapport au reste du monde, devenir parent renforce cette conscience parce que l’avenir du monde on l’a sous nos yeux.(Le temps me manque pour réfléchir plus loin, je file, je verrai ça plus tard 🙂 )

  4. LuckySlug :

    @Claire: en même temps ma propre vision est sans aucun doute tronquée vu que je follow sur twitter et autres réseaux des gens que pour la plupart je connais ou que je trouve intéressants. Je les mets donc naturellement dans la case des adultes intelligents.

    Comme je l’ai dit la réflexion est essentiellement basée sur ce panel et parmi ceux là, ceux qui sont déjà parents me paraissent plus « adultes et responsables » que les autres dans leur utilisation des réseaux sociaux.
    Après je n’étends pas le raisonnement, mais je me demande si justement il vaut aussi pour le reste du monde (oui soyons fous, voyons grand :)).

  5. vieilfrance :

    Est-ce que je laisserai mes enfants me suivre sur twitter ? En fait la question est de savoir ce que l’on accepte de « montrer » à ses enfants et ce que l’on préfère ne pas montrer.Je ferai un parallèle avec la même question IRL : il y a certaines conversations « de grands » que l’on ne souhaite pas faire partager à nos enfants (conflits familiaux, désaccords, sujets « sensibles »). Depuis que ma plus grande fille comprend ce que nous disons, nous passons ces conversations en anglais ou en allemand. Une façon comme une autre de rendre un compte twitter « privé ».Ma réponse est donc que tout dépend du contenu de mes twitts et comme ils peuvent être de tout ordre, je dirait que je passerai mon compte twitter en « privé ».J’irai un poil plus loin. Maintenant que les enfants vont sur internet à un age précoce, on peux aussi se demander s’il ne faut pas moduler cette réponse en fonction de l’age de ceux-ci comme on accepte de partager des discussions de « grands » avec nos enfants à partir d’un certains age.Et enfin pour aller encore plus loin, il y a le problème qui nous concerne NOUS : faut-il ouvrir son compte twitter (et le plus souvent son compte facebook) à ses propres parents ?Et là, tout dépend de la relation que l’on entretien avec ses parents.(et désolé pour les fautes je n’ai pas eu le temps de me relire)

  6. LuckySlug :

    @vieilfrance: c’est marrant je me demandais si quelqu’un « inverserait » le pb pour parler de nous et nos parents.

    Personnellement c’est surtout ce coté là qui me poserait pb (et qui m’en
    a posé). En même temps je n’ai pas d’enfants donc la question ne se
    pose pas encore de ce coté là.

    J’aime bien aussi ton parallèle avec la « vraie vie » sauf que sur twitter
    on a souvent tendance à se laisser aller plus facilement (le coté
    bouffée d’air et futile de la chose aidant)… d’où ma question.
    Se pose aussi évidemment la question des archives. Dans la vraie vie on
    fait attention sur l’instant à ce que l’on dit pour que les enfants ne
    l’entendent pas.
    Internet grade des traces, voire des archives pendant des années…. et
    là la problématique est du coup différente (enfin je trouve).
    Effectivement l’âge des enfants joue sans doute un rôle et là c’est l’expérience de parent qui joue sans dans la prise de décision de
    laisser ou non l’accès à ses enfants à ce que l’on raconte (et sur ce
    point j’avoue que je dois prendre ton expérience et celle des autres
    parents pour argent comptant n’ayant pas de référence de mon côté).

    En tout cas un énorme merci d’avoir pris la peine de me laisser ton point de vue! 🙂

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