Et toi t’as ton quota?

Ce week-end, j’ai lu/vu surgir partout (mais surtout à l’occasion des Etats Généraux de la Femme) le mot « quota », comme si c’était le remède miracle à toutes les faiblesses avouées de notre société.

Les quotas ça doit être vraiment fabuleux puisque les politiques (et d’autres avec eux) veulent en mettre partout.
Des quotas de « français issus des minorités » à la télé, des quotas de femmes à l’assemblée, des quotas de femmes dans les conseils d’administration, des quotas de salariés handicapés dans les entreprises, des quotas de jeunes issus des banlieues dans les grandes écoles, et j’en passe.

Tout ça c’est très joli, mais ça m’énerve quand même un peu (voire beaucoup).
Depuis le temps que ce type de solution-rustine est proposée et a fait preuve de son inefficacité, je ne comprends pas que l’on serve encore cette soupe depuis longtemps refroidie aux gens.

Le quota que l’on nomme aussi joliment « discrimination positive » n’est rien d’autre qu’une discrimination qui fait primer ce qu’est l’individu intrinsèquement (et contre quoi il ne peut rien) sur son talent ou ses capacités.
Je détesterais savoir que j’ai été choisie professionnellement parce que je suis une femme ou parce que je suis noire et pas seulement pour mes capacités. Les quotas c’est enlever toute valeur au mérite et au talent. C’est laisser planer le doute terrible que l’on n’est là qu’à cause de ce que l’on est et parce que l’état a un jour pondu un chiffre, une statistique qu’il faut satisfaire.

L’argument qui ressort souvent c’est que soi-disant les quotas « aident » à faire changer les mentalités.
Je n’en suis pas persuadée. Les quotas permettent seulement de donner une apparence politiquement correcte de changement. Ils sont « gênants » pour ceux qui y sont soumis.
Le risque c’est qu’ils soient contournés : les entreprises sexistes nommeront des potiches pas trop gênantes, les télés des « français issus des minorités » dans des émissions peu regardées etc.
Sans parler de tous ceux qui, soumis à ces quotas, feront délibérément le choix de ne pas les respecter et de payer les amendes.
Ces contraintes n’ont jamais fait progresser une société. Elles sont au contraire une source supplémentaire de stigmatisation de la différence. Et une raison d’arrêter la réflexion sur le sujet. On se dit « mais le problème est résolu puisqu’il y a un quota maintenant! ». La loi sur la parité en est un bel exemple.

Réfléchir à la différence dans ce qu’elle nous apporte à tous et non dans la façon de la gommer de force, ne pas en faire un critère de sélection individuelle me semblerait plus intéressant.
La vérité c’est que notre société est globalement plutôt raciste, sexiste et peu tolérante envers les étrangers, les gens différents (oui je généralise hein, ne le prenez pas pour vous personnellement). Et c’est contre cela qu’il faut agir. Les mentalités ne se changent pas au forceps des quotas mais bien sur le long terme. Avec une réflexion qui englobe plusieurs domaines.

4 Commentaires to “Et toi t’as ton quota?”

  1. Mathilde :

    Je suis d’accord avec toi sur la stigmatisation de la différence. Cela dit, quelle méthode est efficace ?

    Je vais prendre un exemple concret : la question du nombre ridicule de femmes siégeant au CA de grandes entreprises françaises : la question des quotas avait été évoquée il y a 8 ans, et écartée (estimant que les dirigeants sauraient d’eux-même se réguler). Aujourd’hui on constate que la situation n’a pas bougé et – pire – que certains administrateurs (hommes) affirment que c’est par manque de femmes ayant les compétences et attributs requis pour tenir de tels postes (des couilles, en fait)…

    Bref, les quotas, c’est triste, mais parfois c’est le seul moyen de faire avancer les choses…

  2. LuckySlug :

    ça tombe bien que tu prennes cet exemple. Il met justement en avant le fait que la réflexion doit être plus globale que la simple question des quotas.

    Le quota va juste mettre de façon « forcée » plus de personnes d’une certaine catégorie à un endroit sans se demander pourquoi ils ne sont pas naturellement plus nombreux. Et tant qu’on ne répond pas à ce « pourquoi » le problème persiste.

    Pour reprendre ton exemple, effectivement, arrivé à un certain niveau les femmes sont moins nombreuses que les hommes. Le quota ne ferait sans doute que peu bouger les choses.
    Pourquoi? Parce qu’on est encore dans une société sexiste qui refuse de prendre en considération le fait que deux parents puissent faire carrière (sans quoi les crèches et études scolaires seraient ouvertes bien plus tard le soir).
    Parce que nous sommes dans une société qui véhicule encore largement le schéma selon lequel un parent qui ne passe pas énormément de temps avec ses enfants est un mauvais parent (et seuls les hommes ont le droit d’être un mauvais parent).

    Parce que notre société implique souvent de-facto l’obligation pour un parent de mettre un frein, de se « sacrifier » et parce qu’il est encore largement admis que c’est la femme (qui par ailleurs est souvent bloquée dans son ascension par le plafond de verre et est donc souvent moins avancée en carrière) qui doit faire ce sacrifice.

    Il n’y a qu’à voir le tollé qu’a suscité la mise en place du système des gardes partagée dans les années 90. Comment!!!??? ce n’était pas maman qui allait tout gérer et récupérer le petit à l’école (je ne dis pas ça contre les pères, ni pour sous entendre qu’ils ne veulent pas s’impliquer dans l’éducation des enfants, mais bien pour mettre en évidence que l’idée répandue que l’équilibre d’un enfant n’est assuré que s’il est avec sa mère la majeure partie du temps est celle qui a empêché le progrès social en la matière).

    Toutes ces idées figées et encore fortement présentes aujourd’hui ont eu pour effet que beaucoup de femmes font le sacrifice de mettre un frein à leur carrière. Et le pire c’est que souvent elle le font sans prendre conscience des vrais ressorts qui les poussent à le faire.

    Ce n’est un secret pour personne : pour arriver à de hautes responsabilités il faut bosser comme un(e) acharné(e) et bien souvent cela rime dans la tête des gens comme « parent indigne ».

    Après (parce qu’il n’y a pas que des mamans sur le marché du travail) je pense aussi que les femmes n’osent pas autant que les hommes parce qu’elle n’ont que peu d’exemples de réussites féminines et surtout d’encouragements (les couilles dont tu parlais justement) (là je généralise hein, mais si j’observe autour de moi je constate quand même que ça reste assez vrai).

    La société renvoie des femmes hyper actives une image vraiment mauvaise. La première chose qu’on demande encore à une femme politique c’est « comment vous arrivez à gérer votre vie de famille » si elle n’a pas d’enfant, invariablement on leur demande « mais cela vous a-t-il empêché d’en avoir? ».
    Les femmes politiques se sentent d’ailleurs souvent obligées d’étaler leurs bambins sourires colgates pour se justifier. Voyez, j’ai réussi ET j’ai bien élevé mes enfants. Et parce que je les ai bien élevés, j’ai le droit maintenant d’avoir autant d’ambition qu’un homme.

    Je ne pense pas que ce manque de « couilles » soit ce qui motive les gens à ne pas les recruter/nommer. Les femmes n’ont plus besoin de prouver qu’elles peuvent faire aussi bien que les hommes.
    Je suis convaincue par contre que c’est ce qui motive de nombreuses femmes à ne pas postuler, à avoir des ambitions moindres. C’est d’autant plus difficile je pense quand cette mauvaise image de femme hyper active est renvoyée par l’entourage proche. Parce que c’est extrêmement culpabilisant.

    Moi qui ai postulé à pas mal d’offres d’emploi ces derniers temps, j’ai pu constater que pour beaucoup de recruteur encore, le fait d’être une femme sans enfants de 30 ans est quasi rédibitoire pour un recrutement (la peu de la grossesse, comme si c’était une maladie honteuse, comme si une mère cessait d’être une salariée productive…comme si je ne pouvais pas faire le choix de ne pas faire d’enfants)

    Donc je pense que le quota c’est une solution mais qui ne résoud pas le vrai problème. L’image que l’on a de l’autre et de ses capacités.
    Pour faire avancer les choses vraiment il faut repenser la société sur tous ses plans.
    Depuis l’éducation jusqu’au monde du travail et aux aides.

    L’égalité des salaires homme-femmes me semble un terrain bien plus intéressant à creuser que les quotas en conseils d’administration.

    La possibilité de mettre en place du temps partiel pendant un congé de maternité, les gardes d’enfants ouvertes plus tard le soir, ouvrir les programmes scolaires à une littérature plus actuelle qui ne véhicule pas des clichés dépassés, les idées ne manquent pas je pense.

    Et pareil sur le terrain de la couleur, des handicapés, les quotas n’ont amené que peu de progrès partout où ils ont été mis en place.
    Aujourd’hui le quota mis en place par la loi Handicap est devenu une vaste blague et sujet de plaisanterie dans toutes les entreprises. Aucune ne fait d’aménagement pour l’accès des handicapés, aucune n’en recrute.
    Bref, je pourrai continuer longtemps 🙂

    D’ailleurs je fais une parenthèse personnelle qui sort un peu du sujet mais on parle beaucoup de « la quantité de temps passée avec ses enfants » mais jamais de la « qualité » du temps qu’on leur consacre. Moi j’ai préféré ma mère heureuse et épanouie bossant beaucoup et rentrant tard le soir que ma mère bossant moins dans un boulot pas intéressant et déprimée. Rien qu’en orientant la réflexion dans ce sens on changerait beaucoup de choses, et beaucoup d’évolutions seraient alors possibles

  3. Mathilde :

    ouch, ça c’est de la réponse 😉

    Pour la partie sur les mères, ça me parle parce que je suis la fameuse mère hyper-active, et que j’ai essuyé pas mal de critiques sur le sujet de la chef d’entreprise n’ayant pas assez de temps à donner à sa progéniture.

    De mon point de vue, jamais il n’a été question de faire passer l’un des rôles devant l’autre : mon équilibre se trouve dans la réussite professionnelle et ma capacité à passer du temps avec ma fille. Je ne te cache pas que j’ai mis 4 ou 5 ans à trouver le bon rythme.

    Pour le côté pro, le fait que je sois une mère en plus d’être une femme a rarement été un frein. D’autant que les freins, ça se lève, et que quand tu bosses, ça se voit, quand tes enfants sont bien, ça se voit aussi.

    Cela dit, on reste tributaires d’une éducation et d’une pensée globale qui veut que les femmes avancent moins dans leur carrière, au profit du parfait maniement de la couche jetable.

    J’espère que ça se passera bien le jour où les filles du bureau commencerons à m’annoncer leur(s) grossesses (ce qui ne saurait tarder). Si ça se trouve, on va devoir ouvrir une crèche d’entreprise avec des horaires adaptés 😉

  4. LuckySlug :

    ah mais je ne crois pas qu’il soit question de « faire passer l’un des rôles avant l’autre »
    ça c’est ce qu’en pensent les autres, ceux qui voient la situation de l’extérieur.

    Je pense que chacune devrait pouvoir choisir librement l’équilibre qui lui convient et qui convient à ses enfants sans que cela ne préjuge de ce qu’elle est (ou pas) une bonne mère ou une personne ayant le bon profil pour un poste donné.

    Effectivement, les freins sont fait pour être levés. Mais ça demande pas mal de motivation (plus que pour les hommes je pense) et toutes ne l’ont pas.
    Et puis je pense que le fait que ce soit toi le boss y est pour beaucoup dans le fait que d’être mère n’ait pas été un frein. Tu étais passé du coté obscurs déjà avant que cela ne pose pb dans ton ascension professionnelle 😉

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